L’unité mixte de recherche : Une structure adaptée aux enjeux associés à l’étude des EIO

      La création de l’Unité Mixte de Recherche « Ecosystèmes Insulaires Océaniens » (UMR-EIO) en Polynésie française répond à un besoin important qui dépasse largement le cadre thématique des sciences de l’environnement et le contexte géographique de la Polynésie française. Il s’agit, en effet, d’acquérir des connaissances pertinentes sur le fonctionnement et la réponse aux forçages d’un type d’écosystèmes particuliers (les EIO), dont la vulnérabilité aux pressions anthropiques actuelles en menace la pérennité ainsi que celle des nombreux services d’origine écosystémiques qui en dépendent. Face à l’importance d’une telle tâche, et compte tenu des moyens techniques et humains disponibles en Polynésie française, le regroupement de plusieurs institutions scientifiques aux compétences complémentaires est apparu comme la solution la plus pertinente. Construite sur cette base, l’UMR-EIO regroupe des enseignants-chercheurs et des chercheurs issus de 4 organismes de recherche : l’Université de Polynésie française (UPF), l’Institut Français de Recherche pour l’exploitation de la Mer (Ifremer), l’Institut de Recherche pour le développement (IRD) et l’Institut Louis Malardé (ILM).

« Plus-value » de l’UMR dans la mobilisation des moyens et l’acquisition des connaissances

      La plus-value de la structuration des efforts de recherche dans une UMR se manifeste à plusieurs niveaux. Le premier niveau touche à des aspects généraux que l’on retrouve assez classiquement dans la création d’une nouvelle UMR, et est relatif aux aspects « organisationnels ». En effet, l’association de chercheurs, ingénieurs, techniciens et personnels administratifs de ces différents instituts, fédérés dans une unité commune et autour d’objectifs communs, doit permettre d’atteindre une « masse critique » et une diversité de compétences indispensables à la mise en œuvre et à la pérennité des actions qui seront menées sur les écosystèmes insulaires océaniens. La mise en commun, pour les missions de l’unité, de matériels (parfois couteux et/ou demandant une forte spécialisation des agents pour la manipulation ou la maintenance) doit, là encore, favoriser l’efficacité des actions scientifiques et réduire les coûts d’utilisation. Plus largement, en développant un sentiment d’appartenance à une unité de recherche commune, la structuration en UMR doit renforcer les collaborations entre des agents qui jusqu’ici ne travaillaient ensemble que d’une manière occasionnelle.

      Cette structuration du partenariat permet aussi de renforcer la lisibilité des actions scientifiques qui seront désormais menées par les différents partenaires de l’UMR sur les écosystèmes insulaires océaniens de Polynésie française. Cette lisibilité renforcée est importante d’un point de vue scientifique dans les collaborations qui seront engagées avec d’autres UMR dans la ceinture intertropicale mondiale, et notamment dans le poids qui sera désormais le nôtre dans la réponse commune aux appels d’offres. Elle renforcera aussi notre capacité à apparaître comme des interlocuteurs pérennes vis-à-vis des autorités de gestion de Polynésie française (services du pays, représentation de l’état) et au-delà du pacifique Sud sur la problématique des EIO.

    Mais la « plus-value » de l’UMR-EIO ne se limite pas à ces seuls aspects organisationnels. En effet, la construction de l’UMR-EIO présente plusieurs originalités tant du point de vue scientifique qu’institutionnel qui participent largement à son apport. 

       D’un point de vue scientifique, une des originalités de l’UMR-EIO est de proposer des approches systémiques pluridisciplinaires qui éclairent le fonctionnement des EIO à partir de l’analyse conjointe, et parfois combinée, de plusieurs niveaux d’organisation (gène, cellule, individu, population, peuplement, écosystème). Une autre originalité de l’UMR-EIO est d’intégrer explicitement dans les travaux une composante relative à la santé des populations humaines. Cette orientation d’une partie des travaux de l’UMR-EIO est d’autant plus nécessaire que les conséquences des impacts anthropiques et du changement climatique sur la santé, sont de plus en plus lourdes et diversifiées dans de nombreuses régions du Pacifique Sud (et notamment en Polynésie française). Plus largement, ce phénomène qui provoque parfois des modifications profondes et irréversibles du mode de vie des populations locales, est en pleine expansion dans le monde et touche des régions jusqu’ici pas ou peu concernées. Par ailleurs, la pluridisciplinarité des approches menées au sein des équipes de l’Unité sera complétée par des collaborations avec des socio-économistes et des géographes, dont certains travaillent déjà depuis plusieurs années avec des membres de l’UMR EIO. Ce mode de fonctionnement, basé sur des interactions fortes entre plusieurs disciplines (intra et extra UMR), constituera le socle sur lequel s’appuiera la démarche générale de l’UMR-EIO. Enfin, sur la base de l’expérience de plusieurs membres de l’unité, cette organisation sera enrichie par le développement d’approches méthodologiques pluri-acteurs (e.g. Mazouni et al. 2006). Il en résulte une stratégie de recherches explicitement orientée vers le développement d’approches systémiques innovantes en soutien au suivi et à la gestion des écosystèmes, qui intégreront les contraintes, attentes et savoirs des différents acteurs impliqués dans l’utilisation et la gestion des EIO (scientifiques, gestionnaires, associations, grand public).

      Les résultats attendus d’une telle association inter-institutionnelle doivent contribuer à renforcer l’effort scientifique de la France en Polynésie française et dans le Pacifique Sud, notamment via le réseau de collaborations engagé au sein du Grand Observatoire du pacifique Sud (GOPS) et dans le cadre du réseau PaceNet. A une échelle encore plus large, les connaissances acquises, ainsi que les méthodologies mises au point, devront contribuer à stimuler les collaborations et les transferts méthodologiques avec les équipes travaillant sur d’autres EIO dans la ceinture intertropicale mondiale, notamment via le réseau du Laboratoire d’excellence (Labex) Corail.

L’UMR : une fédération des partenaires en appui du développement

       D’un point de vue institutionnel, l’UMR-EIO est la première du genre en Polynésie française à réunir un si grand nombre de partenaires institutionnels (4), caractérisés par leur diversité de statuts (Université, EPIC, EPST). C’est aussi la première UMR à associer simultanément des organismes dépendant de l’état français (IRD, Ifremer, UPF) et du Pays (ILM), ce qui constitue un signal fort dans la politique scientifique que l’Etat et le Pays entendent mener conjointement pour le suivi et la sauvegarde des ces écosystèmes d’exception. Au-delà, l’UMR fédère, sur la question des EIO, des organismes dont le champ d’investigation traditionnel est majoritairement centré sur la Polynésie française (ILM et UPF), avec des organismes largement implantés, par ailleurs, dans la ceinture intertropicale mondiale (Ifremer et IRD). D’un point de vue appliqué, les travaux de l’UMR visent à intervenir directement en soutien à la politique de gestion des EIO dans le Pacifique Sud et en particulier dans l’appui au développement de la Polynésie française, notamment dans le cadre de son Grenelle de la Mer (Ruahatu). Par ailleurs, les membres de l’UMR EIO ont d’ores et déjà des collaborations bien établies avec le CRIOBE, Unité de Service et de Recherche (USR 3278) associant le CNRS et l’EPHE et positionné sur  Moorea, en Polynésie française. Cette USR, dont les travaux de recherche sont centrés sur l’étude du fonctionnement des récifs coralliens pour leur gestion durable, coordonne le LABEX Corail (2011-2021) dont l’UPF, l’Ifremer et l’IRD sont partenaires.

        La création de l’Unité Mixte de Recherche « Ecosystèmes Insulaires Océaniens » en Polynésie française représente donc un challenge important tant du point de vue scientifique, institutionnel, que stratégique. La faisabilité des ambitions annoncées est confortée non seulement par l’ensemble des moyens humains et matériels mobilisés par les partenaires, mais aussi  par des programmes de recherche pour lesquels les trois équipes ont déjà obtenu des financements (locaux, régionaux, nationaux).

        Enfin la structuration des partenaires au sein de l’UMR sera aussi valorisée dans le cadre de la formation des étudiants. Premièrement, une partie importante des membres de l’UMR EIO participe aux enseignements qui seront donnés dans le cadre de la seconde année d’un nouveau Master du même nom (Ecosystèmes insulaires océaniens) en co-habilitation avec l’Université de Paris VI. Deuxièmement, à travers une volonté affichée de développer des échanges avec d’autres pays insulaires, particulièrement ceux des « petits états insulaires en développement »,  l’UMR–EIO entend jouer un rôle actif dans la formation des étudiants et scientifiques des pays du Sud.