L’échantillonnage

Florence Pradillon, chercheure au Laboratoire Environnement Profond, explique l’une des étapes essentielles du projet Pourquoi pas les abysses ? (ABYSS) : l’échantillonnage.

ABYSS s’appuie sur la mise en œuvre d’approches génétiques dernière génération (NGS) pour progresser dans notre connaissance de la biodiversité peuplant l’interface eau/fonds océaniques. Ce projet repose avant tout sur une stratégie d’échantillonnage robuste de ce compartiment difficile d’accès. Échantillonner l’interface des fonds océaniques requiert la mise en œuvre d’outils comme le carottier multitube pour la couche superficielle du sédiment, ou des prototypes de pompe qui permettent d’obtenir de l’eau tout près du fond, ou d’échantillonneur dédié aux substrats durs.

Qui peut participer aux prélèvements d’échantillons ?

Les chercheurs, ingénieurs, techniciens et étudiants impliqués dans ABYSS participent aux prélèvements. Mais nous cherchons également à mobiliser un réseau de collaborateurs de la communauté scientifique travaillant sur le domaine abyssal ou sur les questions de biodiversité de l’écosystème marin afin d’étendre au maximum la couverture géographique d’ABYSS.

Comment s'effectuent les prélèvements ?

Les prélèvements s’effectuent depuis le bateau d’où est déployé un carottier multitube qui va prélever des carottes d’une trentaine de centimètres à la surface du sédiment abyssal. Lorsqu’un engin submersible est mis en œuvre, le prélèvement de carotte est effectué par celui-ci à l’aide de carottiers tubes, permettant là encore de prélever la couche superficielle des sédiments.

Nous mettons également en œuvre d’autres types d’instruments, actuellement en cours de développement à l’Ifremer, comme la pompe SALSA qui permet de filtrer plusieurs dizaines de m3 d’eau à moins d’un mètre du fond. La faune des zones de substrats durs (zones de dorsales océaniques, monts sous-marins…) est particulièrement difficile à échantillonner. C’est à l’aide du préleveur ELFES qui gratte et aspire la faune de substrat dur que les premiers essais ont été réalisés cette année (PHOTO + légende + copyright).

Une fois remontés à bord, les échantillons sont traités rapidement et avec la plus grande précaution afin d’éviter les contaminations et leur dégradation, ce qui est crucial pour les analyses génétiques qui suivront. Les carottes sont découpées en plusieurs horizons à bord, avant la congélation du sédiment à -80°C jusqu’au retour au laboratoire. Certains échantillons sont préservés à l’alcool et destinés au tri classique de la faune, à l’identification morphologique et génétique (barcode) des individus ainsi isolés, afin de contribuer aux bases de références taxonomiques.

De retour à terre, que fait-on des échantillons ?

De retour au laboratoire, l’ADN est extrait en masse pour en séquencer des portions spécifiques, existant chez tous les organismes. Ces « marqueurs » tiennent lieu de carte d’identité génétique des organismes dont ils proviennent, et permettent ainsi de réaliser l’inventaire de la faune présente. L’identification des organismes présents dans l’échantillon par le biais de ces marqueurs génétiques nécessite le traitement bioinformatique des millions de séquences générées par le séquençage haut débit, et s’appuie sur les bases de références taxonomiques.

Face à l’évolution rapide des techniques de séquençage, des bases de références et des outils bioinformatiques, les échantillons d’ABYSS continueront encore longtemps à livrer leurs secrets. Leur archivage, aussi bien sous la forme de sédiment brut, d’ADN extrait, que de données de séquençage est donc un aspect crucial du projet ABYSS.