La contamination du milieu marin par le chlordécone

Le chlordécone, insecticide reconnu toxique et très persistant dans l'environnement, a été utilisé dans les bananeraies en Martinique et en Guadeloupe de 1972 à 1993. Il contamine le milieu marin par ruissellement et infiltration. L'Ifremer étudie depuis 2002 la présence de la molécule dans la faune marine pêchée. Ces travaux, menés en collaboration avec l'Université des Antilles, ont permis de cartographier la répartition de ce polluant dans la faune autour des îles et d'identifier les voies de contamination des animaux marins. Parallèlement, des méthodes de mesure de la chlordécone dans l'eau de mer ont été mises au point. Certaines zones des littoraux martiniquais et guadeloupéen  particulièrement contaminées font l’objet d’interdictions de pêche totales ou partielles.

L’Ifremer a mené des études sur le chlordécone en milieu marin en Martinique et en Guadeloupe depuis 2002. Les premiers travaux, de 2002 à 2015, ont permis de cartographier la contamination de la faune halieutique le long du littoral et de déterminer la sensibilité des différentes espèces à cette contamination en fonction de leur niveau trophique. Ces études ont montré une forte variabilité de la contamination entre les zones considérées et entre les espèces, avec un gradient très marqué de la contamination de la côte vers le large.

Le projet Chlohal (Consolidation des connaissances sur la contamination de la faune halieutique par la chlordécone autour de la Martinique et de la Guadeloupe, de 2013 à 2015) a permis de compléter les connaissances sur la sensibilité des différentes espèces à la contamination, d’affiner la cartographie de la contamination en Martinique et d’étudier les voies de contamination de la faune halieutique.

Ce projet a permis d’identifier deux types distincts de contamination :

  • Une contamination par exposition à une eau contaminée dans les sites côtiers sensibles, dite par « bain »
  • Une contamination par voie trophique (au long de la chaine alimentaire, dite « bioamplification »)

Le projet ChloAnt vise deux objectifs :

  • La validation de la méthode innovante des échantillonneurs passifs intégratifs (EPI), pour mesurer les concentrations très faibles de chlordécone dans l’eau de mer
  • L’amélioration des connaissances sur les voies de contamination et sur sa saisonnalité.

Les premiers résultats de cette étude montrent que la méthode des EPI est très performante pour le dosage de la chlordécone dans l’eau de mer. Ils attestent d’une nette dilution de la chlordécone en mer en s’éloignant de la côte, avec des concentrations beaucoup moins importantes que dans la rivière. Les résultats obtenus dans la faune halieutique confirment le gradient très marqué de contamination de la côte vers le large.

Cette étude atteste d’une contamination permanente des organismes marins côtiers par la chlordécone, quelle que soit la saison. Toutefois, il semble que le niveau de contamination ambiant soit plus élevé en saison humide, notamment dans les stations d’échantillonnage de la mangrove (à proximité de la source de pollution) et de l’herbier.

En revanche, la station d’échantillonnage placée dans le récif semble avoir un niveau de contamination relativement stable au cours des saisons. Enfin, les proportions en isotopes de carbone et d’azote composant les organismes ont été mesurées. La signature en azote apporte des indications sur le niveau trophique d’un organisme et la signature en carbone fournit des indications sur les sources de carbone consommées par cet organisme. Ces données permettent de confirmer l’existence des deux modes de contamination, avec une intensité variable selon le site et la saison.

Perspectives

Surveillance du milieu marin

Les capteurs développés (EPI) pour mesurer le chlordécone peuvent désormais permettre de suivre cette molécule dans le cadre de la Directive cadre sur l’eau (DCE). La molécule est également recherchée par le réseau de surveillance Rocch (Réseau d’observation de la contamination chimique), qui utilise des huîtres pour mesurer le niveau de contamination du milieu marin.

Impact sur le milieu marin

Les conséquences de la contamination par le chlordécone sur la physiologie des organismes et les écosystèmes n’ont pas encore été étudiées. Des études en écotoxicologie permettraient d’évaluer ces impacts (reproduction, comportement, traits de vie…).

Impact sur la ressource halieutique

Des études menées par l’Université des Antilles montrent que la décontamination des organismes vivants est envisageable. L’étude et la mise au point de procédés de décontamination d’espèces halieutiques emblématiques, comme les langoustes, pourrait constituer une réponse aux conséquences de cette contamination sur la pêche côtière.