AMBIO : des caméras pour suivre la vie sous-marine

L’ensemble de la zone économique exclusive autour de la Nouvelle-Calédonie constitue le Parc Marin de la Mer de Corail, et 80% des lagons sont inscrits au Patrimoine Mondial de l’Humanité. Le suivi de l’état des écosystèmes marins, habituellement réalisé par des observations directes au cours de plongées, est impossible à l’échelle de ces vastes territoires. De plus, les observations des animaux sont perturbées par la présence humaine et les suivis opérés par des plongeurs requièrent une grande expertise. C’est pourquoi une méthodologie d’observation a été conçue pour proposer des suivis à l’aide de caméras vidéo rotatives.

Évaluer l'état des écosystèmes marins grâce à la vidéo

Le projet AMBIO (Aires marines protégées, patrimoine mondial et biodiversité) a pour objectif de développer des outils pour évaluer le succès des mesures de conservation de la biodiversité et de la gestion de la pêche. Une méthodologie d’observation des écosystèmes marins à l’aide de caméras sous-marines a été développée. Elle peut être utilisée par des personnes non scientifiques et l’information brute est sauvegardée et partageable grâce à l’image.

La méthodologie permet d’évaluer l’état de santé des peuplements de poissons et des habitats sur de vastes zones. A travers une version programmable du système, il est également possible de suivre dans la durée l’abondance des poissons et leur comportement, notamment dans des zones sensibles pour la conservation et la gestion des pêches.

Décrire l'habitat et compter les espèces

Lors de précédents projets menés par l’Ifremer, deux systèmes de stations vidéo sous-marines ont été inventés. Il s’agit de caméras rotatives haute définition posées sur un trépied au fond de l’eau. L’un, STAVIRO, est conçu pour être mis en place depuis un bateau et filmer pendant une dizaine de minutes. Il permet d’obtenir des images sans déranger les animaux. L’autre, MICADO, enregistre automatiquement le même type d’images à intervalles programmés sur plusieurs jours.

Le projet AMBIO a validé l’ensemble de la méthodologie, de l’acquisition des images à leur analyse, puis à l’évaluation de l’état de santé par des indicateurs de diversité et d’abondance des peuplements et de l’habitat. La technique a été déployée dans des conditions très variées en terme d’environnement, de profondeur et de météo. Un guide méthodologique a été publié. Les images permettent de décrire l’habitat et de comptabiliser les espèces présentes. L’objectif est de transférer la mise en œuvre des suivis de l’environnement marin aux services techniques des collectivités tout en leur apportant l’expertise nécessaire pour l’élaboration des diagnostics.

La zone économique exclusive de Nouvelle-Calédonie déjà entièrement couverte par STAVIRO

Au cours du projet, plus de 3 500 points STAVIRO ont été validés, permettant de couvrir l’ensemble de la Zone économique exclusive de la Nouvelle-Calédonie, lagons et Parc de la Mer de Corail inclus. Il a ainsi été montré que le suivi par vidéo permet de couvrir l’ensemble des habitats, sur une large surface, et pour un coût raisonnable. La technique STAVIRO a été également déployée dans l’océan Indien (Réunion, Mayotte et bancs océaniques) ; elle a été adoptée par le Parc Marin de Mayotte ainsi que par le Parc Marin de la Mer de Corail pour suivre et évaluer les ressources halieutiques. La technique a aussi été employée de 2010 à 2013 en Méditerranéenne.

Les données collectées fournissent la première évaluation quantitative des peuplements de poissons à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie et du lagon de Mayotte. Les résultats montrent la bonne santé de la plupart des sites en Nouvelle-Calédonie et permettent de comparer les sites éloignés et les sites côtiers, les différents habitats et les zones en fonction de leur statut de protection.

Ces données ont également un intérêt pour la recherche car le grand nombre de points rend possible la modélisation de la distribution des espèces (analyses biogéographiques), indispensable pour la conservation de la biodiversité et des ressources halieutiques.

Étudier le regroupement des poissons pour la reproduction avec MICADO

Le système MICADO a été quant à lui déployé sur l’ensemble des sites, particulièrement dans une passe du Lagon sud à la demande des gestionnaires, pour suivre les regroupements des poissons en période de reproduction, identifier les espèces concernées, et en définir la localisation et l’abondance en fonction des saisons. Les regroupements des poissons pour la reproduction constituent une problématique mondiale car les poissons sont alors extrêmement vulnérables à la pêche. L’objectif de la demande était de mieux les connaître pour établir une fermeture saisonnière de la pêche dans la passe.

Dans la continuité du projet AMBIO, des échantillonnages ont lieu en 2019 en Méditerranée, et en Atlantique. Grâce au projet AMBIO, le protocole standard est en cours d’adaptation à ces nouveaux écosystèmes pour un suivi qui pourrait répondre aux besoins actuels de surveillance des peuplements de poisson côtiers au titre de la Directive Cadre sur le Milieu Marin.

L’ensemble des données collectées dans les outremers continue à être exploité, pour la recherche et pour la communication scientifique. Ces données écologiques seront aussi analysées conjointement avec d’autres données collectées durant le projet AMBIO et qui permettent de quantifier les pressions dues aux usages s’exerçant dans les lagons autour de Nouméa.